MOUTTON LaurentUn membre de PACA-Corse toujours très présent et fidèle !

Notre ami Laurent MOUTTON s'en est allé pour son dernier voyage le 1er août 2017.

Tous les habitués de nos activités en PACA-Corse connaissaient son visage et admiraient sa fidélité à notre amicale. Malgré son grand âge, et bien que la route soit longue depuis Antibes où il résidait, il était quasiment toujours présent à nos manifestations à Toulon ou ses environs, et ceci aussi grâce au dévouement de sa fille Evelyne qui l'accompagnait.

Mais quelle a été la vie de notre vénérable ancien ? Sachant qu'Evelyne avait déjà couché sur le papier les souvenirs de son père, je lui avais demandé si elle pouvait en tirer une petite biographie, afin que nous puissions mieux encore connaître Laurent.

La voici cette biographie, émaillée de souvenirs exprimés oralement par notre ami …

Biographie de Laurent Moutton

Laurent est né à Solliès-Toucas (Var) le 25 mars 1920 (*)

Il s'est marié avec Odette en 1945. De cette union sont nés deux enfants :
- Evelyne, née en octobre 1945 à Solliès-Toucas (Var), mariée, professeur à la retraite, habitant Villeneuve Loubet ;
- Henri, né en mai 1955 à Castres (Tarn), célibataire, ingénieur, habitant Villeneuve Loubet.

Il a également le bonheur d'avoir deux petites-filles, Nathalie (43 ans) et Valérie (42 ans), et une arrière-petite-fille, Constance, âgée de seulement quelques mois.

Ses premières années dans la Marine …

  • A 14 ans, Laurent quitte son village natal de Solliès-Toucas.
  • D'octobre 1934 à juillet 1935, il est élève à l'Ecole des pupilles à La Villeneuve (près de Brest).
  • D'octobre 1935 à juillet 1936, il est à l'Ecole des mousses à bord de l'ARMORIQUE embossée en rade de Brest.
  • Le 1er octobre 1936, il entre à l'Ecole des Électriciens à bord du JEAN BART, en rade de Toulon, et obtient son brevet élémentaire d'Electricien en avril 1937.
  • D'avril 1937 à février 1938, il est embarqué sur le contre-torpilleur CHEVALIER PAUL comme quartier-maître électricien, et participe, pendant la guerre d'Espagne, aux patrouilles devant les côtes espagnoles.
  • En Février 1938, il est volontaire et admis au choix pour embarquer sur le sous-marin LA VESTALE, à bord duquel il se trouve au moment de la déclaration de la guerre.

Laurent : « Lors de la déclaration de la guerre, j'étais à Bizerte à bord de LA VESTALE et notre mission était de défendre la route vers l'Orient. Notre équipage (23 ans de moyenne d'âge) était plein d'espoir de ...victoire …»

  • De septembre 1938 à juin 1941, il prend part aux opérations de guerre à bord de ce sous-marin, et obtiendra à ce titre la carte de combattant.
  • En juin 1941, Laurent est de retour à Toulon, et demande à être affecté aux services du Port.

27 novembre 1942 : le sabordage de la flotte.

Laurent : « J'étais à bord, dans la rade de Toulon (et de garde toute la nuit précédant le sabordage). Les Allemands ont pénétré vers 4 heures du matin dans l'arsenal avec des chars d'assaut en ayant l'intention de prendre tous les navires français. Les avions allemands lâchaient des fusées éclairantes....
Avec mon camarade, nous avons sabordé tous les deux notre remorqueur le SERVEAUX XIV, puis nous avons été fait prisonniers. Un officier allemand m'a pointé son revolver sur la poitrine. Nous avons été rassemblés sur le quai de l'Horloge, et là, j'ai assisté à une scène inoubliable, quand nos officiers ont jeté à la mer leur sabre, les larmes aux yeux, devant des Allemands narquois. Avec mon camarade, en fin de soirée, profitant que nos gardiens allemands étaient ivres, et connaissant bien les lieux, nous nous sommes échappés et cachés chez lui, tout près de l'arsenal. Ensuite, j'ai pris un vélo pour rejoindre ma famille à Solliès-Toucas. Tous les marins ont été libérés 5 jours après. »

1943 : départ pour le Tarn. Laurent le Résistant du groupe "VENDÔME"

Laurent raconte : « Mon rôle au sein du groupe VENDÔME a été multiple. J 'appartenais avec mon frère François, au groupe « Phoebus ». J'étais agent de liaison et également avais la garde et la responsabilité de la cabane « cache » à Cadalen (transport et stockage) où l'on stockait des armes, du plastic, les containers des parachutages.

Le matériel de sabotage, stocké dans cette cabane, donna bien du souci car la présence des Allemands était très proche

Une anecdote : des enfants de Cadalen (81) doivent se souvenir d'un certain chocolat américain qu'ils vinrent dérober en passant par une lucarne, nouvelle angoisse pour nous qui craignions les bavardages et par là même la découverte de ce dépôt … »

Faits marquants de cette période : parachutage et sabotage de voie ferrée.

« Avec le groupe Phoebus, nous avons participé au parachutage en juin 1944 : transport et stockage.…

Avec 5 ou 6 camarades de notre groupe nous avons saboté la voie ferrée entre Gaillac et Tessonnières. J'étais chargé d'apporter le matériel explosif entreposé dans la cabane depuis le parachutage. Sac au dos, nous sommes partis ; arrivés sur les lieux nous nous sommes cachés en attendant que la patrouille de surveillance des voies soit passée. C'était des personnes civiles requises par l'intermédiaire du maire sur ordre d'un organisme sous contrôle allemand. Puis le travail fait, nous sommes repartis par des chemins peu fréquentés et le lendemain avons appris le succès de notre petite expédition !!!

Je n'avais pas de pseudonyme, j'utilisais mon vrai prénom « Laurent ». Je connaissais quelques membres du groupe car on se réunissait quelquefois la nuit, et je rencontrais d'autres résistants, pour une liaison par exemple … On avait des petites mitraillettes « STEN », mais je n'ai pas eu à livrer combat. Mes faits d'armes se limitent à ceux vécus à bord du sous-marin. »

En 1945, Laurent appartient, avec son frère François, à un groupe d'artillerie aérienne.

Il raconte : « Le Général de Gaulle arrive en France. Il remet de l'ordre dans tous ces groupes et nous formons le groupe du 54ème GA. Jje suis responsable des transmissions et de la deuxième batterie et nous devenons les partisans de la 1ère armée française. Besançon, Colmar, …
Puis nous sommes partis en Allemagne. »

  • Le 13 janvier 1945, Laurent se marie avec Odette qu'il avait connue dans le Tarn.

Sa vie civile …

  • Démobilisé en 1946, il travaille tout d'abord dans l'entreprise de transport BARLA à Toulon.
  • Entre 1946 et 1947, il est magasinier-électricien à Castres (Tarn).
  • Il entre en 1947 dans les chemins de fer et sera affecté à Castres jusqu'en 1962. Il demande ensuite sa mutation pour Nice et y restera jusqu'à sa retraite de cheminot en 1975 (chef de train, contrôleur). Il obtient alors un logement dans la cité S.N.C.F. à Antibes … où il habite toujours !!!!
  • A sa retraite de la S.N.C.F., il fait office de magasinier dans une pharmacie d'Antibes de 1975 à 1982.
  • Puis ensuite une retraite paisible avec son épouse, jusqu'à ce que la maladie les sépare : Odette est décédée en 2004.

A noter qu'il a participé au concours national de la Résistance 2002-2003, des élèves d'un collège d 'Albi ayant travaillé sur le thème « Cinq jeunes du groupe Vendôme dans la résistance tarnaise » (Il est probable que de ce groupe seuls une résistante et Laurent soient toujours en vie).

Ses décorations et médailles :

  • 5 août 1954 : Médaille des Anciens Combattants de la Résistance.
  • 23 janvier 1969 : Médaille d'honneur de la S.N.C.F.
  • 30 décembre 1985 : Croix du Combattant Volontaire 1939-1945 avec agrafe ALBI.
  • 8 janvier 2009 : Médaille de Reconnaissance de la Nation (ALBI).

Quelques mots ou réflexions recueillis de sa bouche, parmi tant d'autres !!!

Je rends ici hommage à mon père (1845-1938) qui nous a donné cet amour de notre pays, étant lui-même ancien marin, Premier Maître de la flotte (3 fois le tour du monde), Chevalier de la Légion d'honneur et Croix de guerre.

De ses quatre fils je suis l'aîné, trois dont moi étions engagés volontaires…

Mon frère Henri (de 2 ans mon cadet) : Ecole des mousses ... timonier sur le contre-torpilleur LE FANTASQUE. Il est mort pour la France à l'âge de 23 ans.

Mon frère François (de 5ans mon cadet), mousse également à Brest, m'a rejoint dans la résistance dans le Tarn et a fait ensuite une carrière militaire dans l 'Armée de l'Air (France et Indochine).

Mon frère Joseph (9 ans de moins que moi) ne nous a pas suivi « chez les marins » et est rentré dans la vie active à l'arsenal de Toulon.

Evelyne Hochedez


[1] Le contre-torpilleur CHEVALIER PAUL sera torpillé en juin 1941. Voir ici des témoignages sur ce tragique évènement.
[2] Le sous-marin LA VESTALE : voir ces deux articles sur le site de "AGASM Section RUBIS" : ici et ici.


Quelques photos souvenirs, anciennes ou récentes (cliquer sur les vignettes) :

mini 01-famille02-laurent-jardin-193503-permission-frere-193604-alger-1938chevalier-paulla-vestale05-dakar-1941-106-dakar-1941-207-sabordage-194208a-defile-paris-194508b-defile-paris-verso09-laurent-odettelaurent-et-evelyne-2014-mmlaurent-et-gérard-2015-mmlaurent-groupe-2015-mmlaurent-et-evelyne  Images, mode d'emploi : cliquez ici.


(*) Le père de Laurent Moutton, également prénommé Laurent, né le 10 août 1845 à Solliès-Toucas, a eu lui aussi un parcours particulièrement riche.

Il écrivait : « En 1864, âgé de 19 ans, rpès avoir conduit chevaux et voitures et pioché la généreuse terre de mon pays natal Sollès-Toucas ...... je m'engageais pour trois ans dans le Corps des Equipages de la Flotte. »

En fait, c'est pendant 25 années de son existence qu'il voyagea aux quatre coins du monde. Il participa notammment à une expédition à Valparaiso, au Chili, à bord de la frégate à voiles La Néréïde, de 1870 à 1871.

De nombreux écrits de sa main racontent cette vie particulière.

Il prend sa rettaite en 1889 et retourne au village, où il recevra la Médaille commémorative de la campagen miltaire 1870-1871 et sera nommé Chevalier de la Légion d'honneur, en 1891. Elu maire de Solliès-Toucas en 1896, il connut un mandat d'une remarqueble durée : jusqu'en 1925.

Durant les années qu'il consacra à sa commune, et jusqu'à sa mort le 10 mai 1938, à l'âge de 93 ans, il continua à écrire : prose, récits de sa vie militaire, témoignages historiques en tant que maire, poèmes, ...