Qui a voyagé en Tunisie connait très probablement le site archéologique de Carthage, situé dans le nord-est de Tunis, ainsi que le tout proche et très réputé village de Sidi Bou Saïd, ses ruelles bordées de maisons blanches aux portes et volets bleus, ses vendeurs de jasmin, ses cafés typiques, … Mais un autre site tout proche, certes d’une nature très différente des ruines antiques et de l’intérêt culturel qu’elles présentent, ou bien des terrasses du Café des Délices où se prélasser en dégustant un thé à la menthe avec vue imprenable sur la mer, un tout autre site donc, vaut peut-être aussi le détour, pour qui voudrait bien y prêter attention et y sacrifier quelques minutes de son temps : c’est le cimetière militaire français de Gammarth, aussi appelé aujourd’hui nécropole nationale.

Situé sur les hauteurs de Gammarth, ce lieu magnifique, offrant une vue extraordinaire sur le golfe de Tunis, surprend et impose le silence à ses visiteurs, non seulement par son évidente solennité, mais aussi par sa beauté.

Couvrant une surface de 8 hectares, la nécropole nationale a été créée début 1944 pour recueillir, à l’origine, les corps des militaires français non musulmans tombés au cours de la campagne de Tunisie (novembre 1942 - mai 1943). Deux sites regroupant les tombes des soldats tunisiens, algériens et marocains morts pour la France durant la campagne de Tunisie ont été créés après guerre, à Haffouz (317 tombes) et Tar Ech-Chena (442 tombes). Ils ont été rendus à la garde des autorités tunisiennes, en vertu de l’accord domanial du 24 janvier 1959.

Par la suite fut regroupé sur le site de Gammarth l’ensemble des corps des militaires français tombés au cours d’autres batailles (conflits 14-18, 39-45, Indochine) et auparavant inhumés dans les carrés militaires des cimetières communaux tunisiens.

La nécropole relève de l’autorité militaire française et est placée sous la responsabilité du service des anciens combattants et victimes de guerre. Elle comporte :

  • 1871 tombes individuelles.
  • un ossuaire regroupant les restes mortels de 1220 soldats morts pour la France ou décédés en service.
  • un columbarium regroupant 1098 corps comprenant notamment les 306 corps du mémorial de Sousse.

Y ont été également transférés différents monuments ou autres éléments commémoratifs français de Tunisie. On y trouve notamment le tombeau du soldat inconnu de la campagne de Tunisie, le monument aux Corps francs d’Afrique, le monument aux morts d’Hammamet, mais aussi de nombreuses plaques commémoratives auparavant apposées sur des monuments ou édifices répartis sur l'ensemble du territoire tunisien.

Le visiteur marin ou ancien marin aura aussi la surprise d’y découvrir, au détour d’une allée toute proche de l’esplanade centrale où flottent côte-à-côte les drapeaux français et tunisien, le mémorial et l’ossuaire de l’équipage du sous-marin Morse, coulé au large de Sfax le 17 juin 1940 (voir in fine).

CMG 01 entreeCMG 02 entree panneauCMG 03 drapeauxCMG 04 tombeau soldat iconnuCMG 05 tombeau soldat iconnuCMG 06 vueCMG 07 vueCMG 08 vueCMG 09 vueCMG 10 vueCMG 11 vueCMG 12 ossuaireCMG 13 columbariumCMG 14 monument corps francsCMG 15 monument hammametCMG 16 soldats tunisiensCMG 17 sm morseCMG 18 sm morseCMG 99 plan

Le cimetière militaire français de Gammarth est ouvert aux visiteurs du lundi au vendredi, de 8h30 à 17h. C’est là que se déroule chaque année la cérémonie de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918. A l’occasion de la cérémonie du 11 novembre 2017, une stèle érigée à la mémoire des soldats tunisiens morts pour la France y a été inaugurée par l’Ambassadeur de France en Tunisie. Les cérémonies du 11 novembre 2018 auront sans aucun doute en ces lieux, comme partout ailleurs, une résonnance particulière, marquant le centième anniversaire de la signature de l’Armistice de la Grande Guerre.

Mais en dehors de ces évènements officiels régulièrement organisés en cette nécropole, avec le cérémonial et le faste qui s’imposent, c’est un hommage solitaire, silencieux et discret qui est modestement rendu de temps en temps par un marin de passage à ses valeureux anciens du sous-marin Morse,  et plus globalement à tous ces soldats qui ont donné leur vie pour la France.

Gérard Lamblot


Le sous-marin Morse

Le Morse (Q 117), sous-marin de grande patrouille de 974 tonnes, classe Requin, appareille de Bizerte le 10 juin 1940 en compagnie de trois autres sous-marins pour une mission de surveillance du golfe de Gabès. Le 12 juin à 08h00 il plonge au large des îles Kerkennah. Le 20 juin, date prévue de la fin de la mission, le Morse, dont on est sans nouvelles, ne rentre pas à sa base. Dans les jours qui suivent, la mer rejette neuf corps dont trois seulement seront identifiés.  Le 16 août, un hydravion repère l’épave coupée en deux par 24 mètres de fond à quelques milles nautiques des îles Kerkannah. Le sous-marin a vraisemblablement heurté une mine de défense.

Six marins furent enterrés au cimetière de Sfax. Après la guerre, vers 1954, l’épave est relevée, et les restes mortels de l’équipage inhumés également à Sfax. Le 24 janvier 1957, lors d’une cérémonie officielle, le monument du sous-marin Morse est inauguré. En 1969, dans le cadre des opérations de regroupement sur la nécropole de Gammarth de l’ensemble des tombes militaires, les restes mortels de l’équipage du Morse y sont inhumés dans une tombe collective, sur laquelle sera ensuite réimplanté, après rénovation, le monument initialement érigé à Sfax.


Sources : le texte de cet article a été rédigé sur la base des élements recueillis sur les panneaux d'information implantés sur place, sur le site web du consulat de France à Tunis et sur Wikipedia. L'auteur des photographies est Gérard Lamblot (photos prises les 24 et 25 octobre 2018).